Dr Erika Nnang Obada
Je suis une Femme du Continent, une fille de l’Afrique en miniature (Cameroun), maman de 3 garçons et d’une fille. Depuis toute petite, j’ai toujours eu le sens des responsabilités, qu’elles soient individuelles, familiales, collectives; à mon sens « partagées ».
La médecine a été un deuxième choix de carrière que des évènements tragiques de la vie m’ont imposée. Lutter contre la mortalité précoce est inscrit quelque part dans mon ADN de médecin.
Pourquoi la néphrologie? Une histoire de mathématiques, tout simplement.
Rein & Portefeuille Consulting est un cabinet médical hybride où la prise en charge préventive, curative, palliative des personnes à risque ou atteintes de pathologies rénales, côtoie le Conseil ou le Consulting pour faire de la prévention, un maillon fort de nos systèmes de santé.
Malheureusement, sa priorisation est souvent plus apparente qu’effective. En néphrologie, on prévient déjà des maladies, des accidents, des handicaps, de la mortalité précoce.
Le Cabinet Rein & Portefeuille Consulting, dont je suis la fondatrice et la cheffe d’orchestre, regroupe autour de projets divers et variés des Consultants de divers horizons, principalement des médecins. Leur feuille de route est de mettre tout simplement leur expertise au service de la prévention.
Je suis également la communicante du groupe sur LinkedIn mais aussi l’éditorialiste en chef de CARE papers, « le journal du Kwat » comme certaines personnes l’appellent maintenant. Il est passé de simple panorama de presse à un petit journal d’information, d’éducation en santé avec des mots propres à notre langage populaire, terre à terre.
Nos perspectives sont:
1- de grandir car il est urgent & important d’être nombreux pour impacter durablement dans l’espace et dans le temps nos systèmes de santé
2- d’accompagner les équipes demandeuses dans les changements structurels, nécessaires pour ces mêmes systèmes de santé à l’échelle locale, régionale ou nationale
3- de redéfinir les paradigmes de santé adaptés à nos populations et nos réalités. La prévention est tendance; elle doit être obligatoire pour mieux répondre aux défis actuels.
Mes Réalisations
L’expérience « cardiologique » commence à peine mais il faut à juste titre rappeler, que la Société Camerounaise de Cardiologie (SCC) a été la première à faire écho, même si de spécialité médicale différente, à mon action médicale et scientifique pour parler & porter la prévention «Autrement ».
La prévention reste une Science avec des éléments maîtrisables et maîtrisés. Mon rôle ici sera au delà de travailler pour la prévention des maladies rénales en populations cardio-vasculaires, d’améliorer la communication entre les médecins et le grand/jeune public (dont les médias) mais aussi entre la SCC et les autres Sociétés Savantes du pays.
A propos de 4 Our doctors
4 Our Doctors est une formidable aventure et une expérience inter-générationnelle entre médecins Camerounais, âgés de 25 à 55 ans, exerçant en secteur public ou privé dans l’idée de prévenir autrement les maladies, les accidents, les handicaps et la mortalité précoce dans tous les champs de la Santé: physique, mentale et sociale.
Le congrès du 17 Octobre est une opportunité en or de :
1- Rassembler (c’est le premier R, Réseau, Relations; beaucoup de médecins surtout en secteur privé sont isolés),
2- Communiquer sur la base de travaux
propres ou de Guidelines internationales pour établir le deuxième R, celui des Références,indispensables pour écrire un consensus dans la prise en charge préventive, curative et
palliative de nos populations.
Il est primordial d’
3- Oeuvrer ensemble au changement de la Réputation (le 3e R) encore très péjorative, donnée aux Médecins travaillant localement au pays.
Consultations et traitements
En consultation, je prends beaucoup de temps avec les patients, 45 minutes en premier rendezvous, 30 minutes en suivi pour vous donner une moyenne. Ce n’est jamais la course. La première partie concerne toujours la personne, son entourage, son mode de vie. Sauf en cas d’urgence, il est très rare de poser la question du pourquoi, ce qui a conduit à venir en consultation.
L’annonce des maladies rénales n’est pas la plus aisée car tout de suite, la personne se voit en dialyse même si son état de santé ne l’y conduira jamais. Il est important de rassurer, et même si la situation est compliquée (malades en stade 5): mon objectif sera le même: qu’ils repartent en confiance, confiance en leur avenir, même s’il va s’avérer plus difficile. Ils ne sont pas seuls.
Les traitements néphroprotecteurs sont les plus prescrits pour ralentir la progression de la maladie en plus de maîtriser les facteurs de risque. Si le patient a une infection par VIH par exemple, s’assurer d’une charge virale négative et d’un bon suivi infectieux est aussi notre priorité; que les contrôles glycémiques comme ceux de la pression artérielle soient satisfaisants est vital. Il existe tout de même un petit biais de sélection dans mon activité puisque la dialyse n’est pas subventionnée en secteur libéral au Cameroun.
Mon travail principal est de limiter la progression des maladies rénales vers le stade 5 et en cas de stade 5, transférer les malades vers d’autres équipes locales ou internationales pour le traitement de suppléance rénale par dialyse ou transplantation rénale. Il est tout à fait dans mes cordes d’assurer les suivis pré et posttransplantation rénale. Notre cabinet a une cohorte restante de 2 sur 4 individus transplantés (en post-Covid-19: 1 perdu de vue et 1 décès.)
Je suis surtout frappée par la différence significative d’âge entre les patients dialysés si on prend par exemple les données Camerounaises et Françaises auxquelles je suis plus familière.
Les patients Camerounais sont très très jeunes. Nous, médecins avons l’âge de nos malades; nos petits-frères, nos petites-soeurs également donc….il est impossible de rester dans un schéma statique où seul le traitement curatif serait à encourager. C’est ce qui m’a poussée à proposer et développer la bionéphrologie dont le premier master class a eu lieu le 17 Octobre.
Il faut faire de la prévention des maladies rénales, une obligation pour les médecins comme c’est le cas pour le soin, dans les règles de l’art. Et dans ce sens, les laboratoires d’analyses médicales ont l’obligation de réaliser des tests simples, faciles et reproductibles pour nous aider dans leur dépistage.
Education et sensibilisation
Nous avons mis en place un programme « Pop-Doc », pop pour populations et doc pour docteurs. Le volet « pop » comprenait à l’époque des ateliers physiques de sensibilisation, interrompus du fait de la pandémie Covid-19. Depuis nous avons développé ce journal, le journal du Kwat, CARE papers à destination de Monsieur et Madame tout le monde pour informer sur toutes les problématiques de santé physique, sociale ou mentale.
Nous avons crée le « Med@rt », un mélange entre 1- les mots issus d’arts ( cinéma, musique,théâtre….),
2- les mots du parler familier/courant de nos quartiers (kwat en langage populaire)
et 3- des mots des médecins sur la base de travaux et revues médicales voire scientifiques.
De plus, un module d’éducation en santé, « Prépa Santé » est proposé depuis 2023 dans un établissement universitaire de la place ( Prépa Saint Jean) pour ses étudiants en première année finances et management. C’est un cours très plébiscité par les étudiants, les parents et la direction de l’établissement. La thématique de cette année est « la maladie a un talon d’Achille jusqu’à preuve du contraire ». Chaque équipe médicale et non médicale aura à coeur de montrer les points faibles des maladies évitables et ce dans différentes spécialités médicochirurgicale.
Le défi majeur est de faire entendre à la collectivité médicale, à la société toute entière que la prévention peut être portée par la néphrologie, surtout la néphrologie libérale. Notre métier est très souvent réduit à l’hémodialyse. Beaucoup de collègues pensent qu’un néphrologue est un dialyseur. Quand je parlais de prévention en 2018-2019, certains confrères spécialistes me demandaient si j’allais faire maintenant de la médecine générale. C’est une avancée notable car actuellement, lors de nos rencontres médicales et scientifiques mensuelles puis trimestrielles pour des raisons d’agenda, les médecins spécialistes sont les plus nombreux.
La prévention est bien à la portée de Tous les médecins et ne doit pas être l’apanage du seul médecin généraliste, sur le Continent.
Perspectives et Innovations
Les avancées en néphrologie qui m’enthousiasment le plus sont celles bien évidemment en lien avec le ralentissement des cas de maladie rénale chronique arrivant au stade terminal. L’arrivée des glifozines dans le traitement néphroprotecteur et surtout leur accessibilité même pour les malades Camerounais est un pas de géant dans la réduction de la vitesse de progression des maladies rénales. Tous les médicaments ne sont pas toujours si rapidement accessibles.
La bionéphrologie, comme le concept de la cindynique appliquée en néphrologie nous l’espérons aussi, trouvera un écho en Afrique et pourquoi pas dans le monde comme une avancée sociologique, médicale et scientifique pour que les médecins s’attellent à leur véritable challenge en médecine: celui de la prévention primaire. La médecine progresse pour que l’espérance de vie en bonne santé progresse aussi, pas seulement celle en mauvaise santé.
L’avenir de l’Afrique est là: transformer ses faiblesses en forces et la prévention en est le moyen idéal.
C’est le continent le plus dépourvu de ressources humaines médicales, de ressources financières, de ressources logistiques ( où tout s’importe)…et si finalement pour des raisons d’adéquation, c’était aussi le continent sans malades graves, sans malades tout court?
Je pense qu’il est important de mettre la barre si haut pour espérer éviter ou retarder la maladie au plus grand nombre. Une Société qui a peu de Docteurs doit en former mais aussi mieux « se comporter » pour ne pas être malade, car de nombreuses maladies sont évitables même en Afrique.
En conclusion, développer cette activité de Conseil en néphrologie, pour la résumer ainsi, m’aura demandé beaucoup de sacrifices personnels en tant que Femme médecin. Être loin de ses enfants en bas âge pour « designer » le projet avant, pendant ou après s’être jetée à l’eau, n’a pas été facile.
Quitter un poste de Praticien Hospitalier à temps plein à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris pour un statut moins glamour, en Afrique Sub-saharienne, au Cameroun; ça ne laissait pas rêveur et surtout pour quelle rentabilité? Et comme dans tout projet, que l’on soit un homme ou une femme, il est important de ne pas être seul(e) et de trouver des co-porteurs de votre projet d’un point de vue intellectuel, financier ou matériel. Il y a encore pas mal de défis à relever
j’espère du fond de mon cœur, que mes enfants comprendront, lorsqu’ils seront plus grands, le sens de mes efforts, de nos efforts pour une meilleure santé physique, mentale et sociale des citoyens au Cameroun, sur le Continent et par ricochet dans le monde entier.
Aux femmes médecins qui souhaitent se lancer dans une aventure similaire, je dirais qu’il faut déjà bien se connaître, être sûre de ses valeurs et pouvoir les porter contre vents et marées, définir avec son entourage ce qui est possible de supporter individuellement et collectivement (et dans quelle limite de temps) sans mettre en péril l’équilibre personnel & familial, se donner des objectifs à atteindre à court, moyen et long terme; c’est la garantie de ne pas rester statique.
La Santé rénale se divise en trois dimensions: la santé rénale physique, la santé rénale mentale et la santé rénale sociale. Notre combat ne se limite pas qu’au dépistage de cette maladie mais également de tous ses facteurs de risque. Il faut un vrai sursaut « citoyen » pour faire de la Bonne santé et non de la Mauvaise santé (maladie), un modèle de vie saine sur terre.
Nos populations n’ont pas trop l’habitude de ce discours et sont encore peu conscientes de l’impact réel que
peut avoir la prévention dans leur quotidien. « Prévenir vaut mieux que guérir », oui mais,« prévenir pour mieux guérir et soigner », serait mieux.
Je remercie le journal Afiyafrica et le Dr Samira KILANYOSSI pour cette opportunité qui m’a été donnée « d’écrire » sur moi pour mieux parler de moi, Femme, de mes valeurs de Médecin et mes projets d’Africaine.
Dr Erika Nnang Obada pour Afiya Revue Médicale Africaine.
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