Chez la souris, les microparticules de polyéthylène (PE) induisent des troubles de la structure et de la fonction de l’intestin, ainsi que de la flore intestinale. S’il s’avère que ces polluants ont un effet comparable chez l’Homme, ils pourraient être impliqués dans l’apparition de certaines maladies, notamment cancéreuses ou inflammatoires.
Les microparticules de polyéthylène (PE) présentes dans notre alimentation pourraient avoir une incidence sur le bon fonctionnement de notre intestin. C’est en tout cas une hypothèse solide au regard des travaux conduits par Mathilde Body-Malapel* et son équipe, dans un modèle de souris. Après six semaines d’une alimentation contaminée par des microparticules de PE, la structure et les fonctions immunitaires de la paroi intestinale de ces animaux sont perturbées, et la composition de leur microbiote intestinal devient anormale.
Les plastiques sont partout dans notre environnement. En se dégradant en particules microscopiques, ils contaminent les sols et les eaux, puis nos aliments et eaux de boisson. Le polyéthylène est l’un des plus fréquemment utilisés, notamment dans les emballages, les sacs plastiques, ou les bâches agricoles. La littérature rapporte que des microparticules de PE sont retrouvées dans nos selles, notre sang ou encore dans le placenta. « Malgré leur abondance, ces microparticules ont été peu étudiées, et leur impact sur les intestins n’est pas connu », rapporte Mathilde Body-Malapel. D’où la mise en place de cette étude menée chez la souris. « Nous avons choisi d’étudier l’impact de deux tailles de particules, qui correspondent plutôt à la fourchette basse de celles habituellement retrouvées dans les selles. Ce choix a été fait en accord avec la littérature, qui rapporte que l’impact des microparticules est d’autant plus important que leur diamètre est faible. Par ailleurs, les quantités administrées – environ 100µg/g de nourriture – sont voisines de celles auxquelles nous sommes exposées. »
Faut-il craindre un effet cocktail ?
En premier lieu, ces travaux montrent une prolifération anormalement élevée des cryptes intestinales, en charge de renouveler les cellules de l’épithélium (i.e. la paroi de l’intestin). Ils montrent ensuite que la fonction barrière de l’épithélium au niveau du côlon est altérée ; or elle est indispensable à l’immunité intestinale. Localement, la surexpression de cytokines favorise en outre le maintien d’une inflammation chronique locale. Enfin, plusieurs espèces bactériennes semblent perturbées par les microparticules de PE : par exemple, les lactobacilles – connus pour protéger la fonction intestinale – sont plus rares dans le microbiote des souris exposées aux PE.
Si ces anomalies sont retrouvées chez l’Homme, ces microplastiques pourront être considérés comme des polluants à risque sérieux pour la santé humaine. Une hypothèse qu’il reste évidemment à vérifier. « Ces différentes observations sont autant d’éléments qui laissent penser que ces microparticules pourraient influencer le risque de certaines maladies cancéreuses, inflammatoires ou immunitaires », explique la chercheuse. Aussi, elle planifie d’ores et déjà plusieurs nouveaux axes de travail avec son équipe : le premier vise à étudier l’impact des polluants plastiques retrouvés dans notre alimentation en se rapprochant des conditions de vie réelle. Pour cela, les scientifiques vont étudier différentes formes de particules, celles non sphériques semblant plus abrasives pour nos tissus, ainsi que des mélanges de différents plastiques qui contiennent des additifs parmi les plus souvent utilisés dans ceux à usage alimentaire. « Comme pour les autres polluants chimiques, on suppose qu’il existe un effet cocktail – ou synergique – lorsque la composition des microparticules est diverse, à l’image de nos expositions quotidiennes », précise Mathilde Body-Malapel.
Enfin, la chercheuse souhaite savoir si des souris atteintes de maladie inflammatoire chronique des intestins (MICI) voient leur pathologie aggravée par ces microparticules, et si celles-ci ont un impact comparablesur des échantillons d’épithélium humain, sain ou atteint de MICI, cultivés in vitro. « Ces résultats seront autant d’éléments pour statuer sur une potentielle causalité entre l’exposition aux microplastiques et ces maladies intestinales. »
Note :
* unité 1286 Inserm/Université de Lille/CHU de Lille, Institut de recherche translationnelle sur l’inflammation (Infinite), équipe Effets des polluants atmosphériques et alimentaires sur l’inflammation et la dysbiose intestinale.
Source : M. Djouina et coll. Oral exposure to polyethylene microplastics alters gut morphology, immune response, and microbiota composition in mice. Environ Res , édition en ligne du 6 avril 2022. DOI : 10.1016/j.envres.2022.113230
source : inserm.fr
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