L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 94 % des décès par cancer du col de l’utérus dans le monde surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, l’Afrique subsaharienne étant particulièrement touchée.
Le papillomavirus humain (HPV) continue d’alimenter des taux élevés de cancer du col de l’utérus en Afrique subsaharienne, malgré la disponibilité de vaccins efficaces. Pourtant, la couverture vaccinale reste faible, principalement en raison d’une réticence face aux vaccins. En Afrique du Sud seulement, la majorité des participants (71 %) étaient hésitants à l’idée de recevoir au moins un des vaccins disponibles dans le pays, selon le Vaccine Confidence Report publié par MSD (www.MSD.co.za) et la Professeure Hannelie Meyer, responsable du Centre sud-africain de vaccination et d’immunisation. Ce rapport a été présenté lors du congrès de la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses ainsi que pendant la Table ronde médiatique SSA HPV organisée à l’occasion de la Semaine mondiale et africaine de la vaccination (24–30 avril 2025).
Le cancer du col de l’utérus, causé par une infection persistante au HPV, est l’une des principales causes de décès par cancer chez les femmes en Afrique subsaharienne. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 94 % des décès mondiaux par cancer du col de l’utérus surviennent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, l’Afrique subsaharienne étant particulièrement touchée.
Les études indiquent qu’à l’échelle mondiale, environ 12 % des femmes ayant une cytologie cervicale normale présentent une infection à HPV. Cette prévalence double en Afrique subsaharienne pour atteindre environ 24 %. Les jeunes femmes de moins de 25 ans sont particulièrement vulnérables, avec un taux de prévalence du HPV en Afrique de 43,9 %, contre 19,2 % au niveau mondial.
Un rapport de 2023 indique que le cancer du col de l’utérus est le 13ᵉ cancer le plus fréquent chez les femmes en Égypte, et le 9ᵉ parmi les femmes âgées de 15 à 44 ans. À Kigali, au Rwanda, avant la mise en place du programme national de vaccination contre le HPV, 54 % des jeunes femmes de 19 ans et moins avaient un résultat positif au HPV. Le taux élevé de mortalité au Ghana illustre également le poids de cette maladie : environ 3 000 femmes y sont diagnostiquées chaque année, avec près de 2 000 décès enregistrés.
La réticence vaccinale : un frein majeur
La réticence vaccinale, définie comme un retard dans l’acceptation ou un refus des vaccins malgré leur disponibilité, demeure un obstacle majeur dans la lutte contre les maladies évitables comme le cancer du col de l’utérus. La désinformation, les croyances culturelles et les problèmes d’accessibilité compliquent encore davantage l’adoption des vaccins contre le HPV. Alors que les organisations de santé mondiales et les autorités locales cherchent à éradiquer les maladies évitables, comprendre et lutter contre la réticence vaccinale est plus urgent que jamais.
Le Vaccine Confidence Report identifie plusieurs facteurs alimentant cette réticence : préoccupations relatives à la sécurité, méfiance envers les systèmes de santé, et désinformation sur les réseaux sociaux. Selon la Professeure Meyer, malgré des preuves scientifiques solides, beaucoup continuent de croire que les vaccins sont dangereux. « Cette réticence est inquiétante », a-t-elle déclaré, « étant donné le lien direct entre le HPV et le cancer du col de l’utérus. Il est essentiel de répondre à ces peurs avec des informations crédibles pour réduire la charge de la maladie en Afrique subsaharienne. »
Travailler ensemble pour restaurer la confiance
Une étude externe intitulée Vaccine Hesitancy and Trust in sub-Saharan Africa, publiée dans Scientific Reports en mai 2023, a examiné les comportements et attitudes liés à la vaccination dans six pays africains : Ghana, Kenya, Nigeria, Afrique du Sud, Tanzanie et Ouganda. Elle a révélé qu’environ 10 % des répondants avaient reçu au moins une dose de vaccin contre le HPV. Les taux de réticence variaient selon les pays, l’Afrique du Sud affichant le taux le plus élevé (17,15 %) et le Kenya le plus bas (8,3 %).
L’impact de la désinformation, du manque de financements et des perturbations de l’immunisation
La désinformation, notamment en ligne, reste l’un des principaux moteurs de la réticence vaccinale en Afrique. Elle influence les attitudes du public et sape la confiance dans les programmes d’immunisation. Parallèlement, les priorités mondiales changeantes et les pressions économiques ont entraîné une réduction des financements destinés aux campagnes de vaccination, limitant ainsi l’accès aux vaccins dans les communautés à faible revenu.
« La vaccination de routine a sauvé des millions de vies », rappelle la Dre Alima Essoh, directrice régionale de l’Agence africaine de médecine préventive (AMP Africa). « Lorsque la désinformation et les contraintes de ressources perturbent ces efforts, nous risquons de perdre des décennies de progrès. »
L’élargissement de la couverture vaccinale contre le HPV est crucial pour réduire le cancer du col de l’utérus, mais cela nécessitera de combattre fermement la désinformation et d’améliorer l’accès aux vaccins sur tout le continent.
Des implications plus larges pour la santé publique
Bien que la vaccination contre le HPV reste une priorité, la réticence vaccinale touche également d’autres maladies évitables. L’OMS a fixé un objectif d’élimination du cancer du col de l’utérus en tant que problème de santé publique d’ici 2030, notamment en garantissant que 90 % des jeunes filles soient pleinement vaccinées contre le HPV avant l’âge de 15 ans. Selon la Professeure Meyer, la réticence vaccinale risque de compromettre cet objectif et d’entraver les efforts pour atteindre de fortes couvertures vaccinales pour d’autres maladies comme la rougeole, la polio et la grippe.
Repenser la lutte contre le cancer du col de l’utérus lié au HPV : action communautaire et restauration de la confiance vaccinale
L’élimination du HPV et la réduction du cancer du col de l’utérus en Afrique nécessitent des solutions innovantes, portées par les communautés. La Dre Sabrina Kitaka, maître de conférences à l’Université Makerere, explique que des outils accessibles et engageants, tels que des bandes dessinées et des campagnes de vaccination en milieu scolaire, ont significativement amélioré l’adoption des vaccins parmi les jeunes. Elle souligne également l’importance de systèmes de rappel par SMS ou appels automatisés pour garantir que les adolescents complètent leur schéma vaccinal contre le HPV.
Déployées à grande échelle, ces stratégies pourraient renforcer considérablement la couverture vaccinale dans la région. Elle précise également que vaincre la réticence vaccinale nécessitera une approche coordonnée impliquant gouvernements, professionnels de santé, société civile et secteur privé, avec une communication adaptée, une construction de la confiance à travers des partenariats locaux et des actions ciblées auprès des communautés.
« Nous n’avons plus de temps à perdre », conclut la Professeure Meyer. « Nous devons travailler ensemble pour partager des informations précises, répondre aux inquiétudes et rendre les vaccins réellement accessibles. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons protéger les générations futures contre des maladies évitables. »
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