Les mutilations génitales féminines sont internationalement reconnues comme une violation grave des droits humains impliquant l’ablation partielle ou totale d’organes génitaux externes de la femme ou des lésions à ces organes pour des raisons non médicales
Depuis qu’une guerre dévastatrice a éclaté au Soudan, en avril 2023, plus d’un million de personnes ont fui vers l’Égypte voisine, où elles ont cherché refuge. Les deux pays disposent de lois interdisant les mutilations génitales féminines (MGF), mais malgré cela, le Soudan et l’Égypte affichent des taux de MGF parmi les plus élevés au monde. Une nouvelle étude réalisée par Equality Now (www.EqualityNow.org) et Tadwein for Gender Studies, Les mutilations génitales féminines chez les migrantes soudanaises du Grand Caire : perceptions et tendances (apo-opa.co/4kdShL4), fournit de précieuses informations sur l’influence de la migration et de l’exposition à de nouveaux environnements culturels et réseaux sociaux sur les pratiques de MGF au sein des familles soudanaises en Égypte.
Les entretiens approfondis ont révélé des attitudes positives à l’égard de l’abandon des MGF. Les jeunes instruits et les femmes ayant subi des mutilations génitales féminines sont particulièrement opposés à la poursuite de ces pratiques, tandis que les hommes citent souvent l’impact négatif des mutilations génitales féminines sur l’intimité conjugale parmi les raisons principales pour y renoncer.
Cependant, les MGF sont considérées par certains comme un moyen de maintenir l’identité et le statut culturels, et comme un élément essentiel de l’acceptation sociale. De nombreuses personnes interrogées estiment qu’il est probable que les familles qui pratiquaient les MGF au Soudan continuent à le faire en Égypte.
La Dre Dima Dabbous, d’Equality Now, explique : « Notre étude révèle les façons complexes et diverses dont les migrants soudanais en Égypte maintiennent, modifient ou rejettent des pratiques culturelles profondément ancrées telles que les mutilations génitales féminines. Les migrations sont à la fois source de difficultés et d’occasions d’abandon des MGF, et il est capital de comprendre comment les communautés vivent leur nouvelle situation et y réagissent pour concevoir et mettre en œuvre des interventions efficaces adaptées à la culture et au contexte. »
Les MGF au Soudan et en Égypte
Les mutilations génitales féminines sont internationalement reconnues comme une violation grave des droits humains impliquant l’ablation partielle ou totale d’organes génitaux externes de la femme ou des lésions à ces organes pour des raisons non médicales. Présentes dans au moins 94 pays (apo-opa.co/44vsny1) et ayant un impact sur plus de 230 millions de femmes et de filles (apo-opa.co/44vsny1), dont 144 millions en Afrique, les MGF ne présentent aucun avantage pour la santé et sont profondément ancrées dans la discrimination sexuelle et les tentatives de contrôler le corps et la sexualité des femmes et des filles.
Les données de l’enquête en grappes à indicateurs multiples de 2014 menée au Soudan, qui est l’enquête nationale la plus récente disponible, ont montré que 86,6 % des femmes âgées de 15 à 49 ans avaient subi des MGF (apo-opa.co/3YFNCJL), contre 66,3 % des filles âgées de 14 ans ou moins. Les MGF sont considérées comme un moyen de préserver l’honneur de la famille et d’imposer des idéaux de pureté, de modestie et de contrôle de la sexualité féminine.
Comme les MGF sont considérées comme un rite de passage de la fille à l’âge adulte et une condition préalable au mariage, de nombreuses familles craignent que les filles non excisées aient du mal à trouver un mari, et cette pression est intensifiée par la stigmatisation des femmes non mariées et la honte perçue par leurs proches. Les idées reçues à caractère religieux jouent également un rôle important, de nombreuses personnes croyant à tort que certains types de mutilations génitales féminines sont imposés par l’islam.
En Égypte, environ 86 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des MGF (apo-opa.co/43igE3L), selon le rapport 2022 de l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS).
Les femmes égyptiennes et soudanaises se sentent souvent contraintes de se conformer aux pratiques traditionnelles défendues par leur famille et leur communauté, et sans le soutien de leur mari ou de leur réseau social, il peut être extrêmement difficile pour elles de résister. Les femmes plus éduquées et d’un niveau économique supérieur sont plus susceptibles de rejeter les MGF et de s’abstenir d’en faire subir à leurs filles.
Une tendance à la médicalisation s’est manifestée au Soudan. Cette évolution est encore plus marquée en Égypte, où l’on estime que 74 % des mutilations génitales féminines sont pratiquées par des professionnels de la santé, ce qui représente l’un des taux les plus élevés au monde. La médicalisation est perçue à tort comme une option sûre, mais elle n’élimine pas les risques physiques et psychologiques. Les mutilations génitales féminines restent une violation fondamentale des droits humains, et l’implication de professionnels de la santé ne rend pas ces pratiques sûres, éthiques ou légales.
L’Égypte dispose de lois strictes pour lutter contre les mutilations génitales féminines, qui prévoient de longues peines de prison pour les parents et les personnes pratiquant les MGF, peines qui sont alourdies pour les professionnels de la santé. Le fait d’escorter une victime pour qu’elle soit excisée est également passible de sanctions pénales. Cependant, la loi est rarement appliquée car de nombreuses personnes soutiennent encore les MGF et ne veulent pas que des membres de leur famille soient poursuivis, ce qui signifie que les cas ne sont pas souvent signalés aux autorités.
» Les femmes sont les premières à protéger leurs filles, choisissant souvent d’accorder la priorité à l’alimentation, au logement et à l’éducation plutôt qu’aux traditions culturelle « .
La poursuite ou l’abandon des MGF
La connaissance des lois interdisant les MGF au Soudan et en Égypte varie considérablement selon les personnes interrogées dans le cadre de l’étude. L’hypothèse selon laquelle l’Égypte applique des sanctions strictes contre les MGF a favorisé une approche prudente, certains craignant des répercussions juridiques, et notamment l’expulsion. Bien que les personnes plus âgées soient généralement mieux informées, elles n’étaient pas en mesure de préciser les sanctions encourues.
Au Soudan, les femmes âgées sont souvent les premières à prendre les décisions concernant les MGF et ont tendance à soutenir la poursuite de ces pratiques. Toutefois, le fait que certains membres plus âgés de la famille restent au Soudan contribue à réduire la pression familiale pour l’excision des filles soudanaises en Égypte.
La plupart des personnes qui ont participé à l’étude ont expliqué que les Égyptiens avaient souvent une perception négative des migrants soudanais, ce qui pouvait fragiliser les relations entre les deux communautés. Par conséquent, les personnes interrogées pensent que de nombreuses familles soudanaises sont moins susceptibles de chercher des informations sur les MGF auprès de sources égyptiennes ou de demander aux médecins égyptiens de pratiquer des MGF. D’après ces personnes, cela pourrait contribuer à l’abandon de ces pratiques.
En outre, les difficultés économiques et la nécessité de satisfaire les besoins fondamentaux tels que le logement et l’alimentation ont contribué à retarder ou abandonner les MGF. La Dre Amal Fahmy, de Tadwein for Gender Studies, explique : « Nous assistons à une évolution discrète mais d’importance majeure, l’abandon des mutilations génitales féminines. Les femmes sont les premières à protéger leurs filles, choisissant souvent d’accorder la priorité à l’alimentation, au logement et à l’éducation plutôt qu’aux traditions culturelles. »
Cependant, des incitations financières peuvent également perpétuer les MGF. D’une part, certains y voient un moyen d’améliorer les perspectives de mariage des filles et d’assurer leur avenir économique ; d’autre part, les MGF sont favorisées par la nécessité pour les sages-femmes traditionnelles de gagner de l’argent.
L’émigration de familles soudanaises en Égypte a conduit à la création d’un réseau social très soudé, surnommé « le petit Soudan ». Si la plupart des participants à l’enquête se sont prononcés contre la poursuite des MGF, certains ont reconnu que des familles restaient profondément attachées à des coutumes telles que les MGF. Les femmes âgées sont particulièrement sceptiques quant à l’effet dissuasif de la loi et pensent que les familles déterminées contournent les restrictions en cachette.
Les inquiétudes liées à la stigmatisation et les soupçons concernant le comportement sexuel des filles sont cités comme des raisons de poursuivre les MGF. Certains y voient un moyen de contrôler leur comportement sexuel, en particulier après leur émigration en Égypte, où ils craignaient que leurs filles ne se livrent à des activités jugées inacceptables si elles ne sont pas excisées.
Recommandations
Les principales recommandations portent sur la sensibilisation des communautés de migrants soudanais aux lois égyptiennes contre les MGF et aux conséquences négatives des MGF d’un point de vue juridique et pour la santé. Il est essentiel de donner aux parents, et surtout aux mères, des informations précises et des outils pratiques pour résister aux pressions de la société et de leur famille.
Pour faire évoluer les mentalités, il est indispensable de faire appel à des personnes de confiance au sein de la communauté du « petit Soudan », telles que les anciens, les grands-mères, les sages-femmes et les chefs religieux. Les efforts de sensibilisation doivent combattre les idées fausses selon lesquelles les MGF sont une exigence religieuse, et un plaidoyer adapté doit promouvoir une compréhension des perspectives des droits humains qui traitent de la manière dont les inégalités entre les sexes favorisent les MGF.
Pour mettre fin aux mutilations génitales féminines dans les familles de migrants soudanais, il faut adopter une approche globale, centrée sur la communauté, qui s’attaque à la fois aux causes et à la dynamique évolutive de ces pratiques après l’émigration. Investir dans de nouvelles recherches, en particulier des études longitudinales et communautaires, peut aider à suivre l’évolution des attitudes et des pratiques au fil du temps et à élaborer des interventions plus ciblées et plus efficaces.
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