Le Dr Raymond Pallawo, médecin épidémiologiste et coordinateur du programme de soins et de suivi des personnes guéries de la maladie à virus Ebola, mis en place en 2018 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), explique comment ce soutien permet aux anciens malades de faire face à des difficultés médicales et socio-économiques et de mieux comprendre et prévenir d’éventuelles résurgences du virus chez les personnes guéries.À quelles difficultés font face les personnes guéries de la maladie à virus Ebola ?
Nous avons recensé 1269 personnes guéries de la maladie à virus Ebola au cours des sept dernières épidémies dans le pays. Les guéris ont fait part de stigmatisations socioéconomiques : certains ont perdu leur emploi, d’autres ont des difficultés à en trouver… Il arrive aussi qu’un guéri qui se présente dans un centre de santé soit rejeté quand son statut est connu. Il y a aussi des problèmes médicaux, qui ont déjà été documentés. En juillet 2022, nous avons réalisé une évaluation de guéris qui se plaignaient de troubles persistants et il a été confirmé qu’ils connaissent des troubles neuropsychiatriques, des problèmes oculaires ou ostéo-articulaires.
Afin de mieux recenser leurs difficultés, nous avons proposé au Ministère de la santé de mener une enquête auprès des guéris, en collaboration avec l’UNICEF et des associations de personnes guéries. Cette enquête, qui recueillera aussi les appréciations des personnes guéries par rapport au suivi qui leur a été accordé, devrait commencer prochainement.
Comment les personnes guéries sont-elles soutenues ?
Le programme de soins et de suivi des personnes guéries de la maladie à virus Ebola est d’abord un programme de santé publique. Il vise à apporter des soins cliniques et psychologiques pendant 18 mois après la sortie du centre de traitement ainsi que de surveiller une éventuelle persistance du virus dans les fluides biologiques. Ce suivi consiste à identifier les signes évocateurs de rechute afin d’atténuer le risque de résurgences à travers une détection et une prise en charge précoces.
Si on détecte des signes qui peuvent faire penser à une éventuelle rechute, on approfondit les investigations et on prend en charge le patient
En pratique, les guéris sont vus chaque mois. On les examine sur les plans clinique, psychologique et médical. Si on détecte des signes qui peuvent faire penser à une éventuelle rechute, on approfondit les investigations et on prend en charge le patient.
Des cas de rechutes ont ainsi été gérés par le programme sans provoquer de résurgence : des guéris ont fait des méningites encéphalites, mais n’ont contaminé personne parce qu’on les a isolés et pris en charge tout de suite. Le personnel qui travaille dans les cliniques de suivi des guéris a été formé à la prise en charge des personnes guéries de la maladie à virus Ebola, ainsi qu’au respect des mesures et pratiques de prévention et de contrôle des infections. Donc, un guéri chez qui on suspecte des signes de rechute est suivi de telle sorte qu’il ne puisse pas contaminer. On réduit ainsi le risque de propagation de l’infection.
De plus, un guéri qui présente une autre maladie, comme le paludisme, ou des troubles psychologiques est pris en charge dans nos cliniques de suivi, en prenant tous les frais en charge. Les cas graves de maladie, qui ne peuvent pas être traités à la clinique, sont référés dans les centres spécialisés, toujours avec le soutien du programme. De même, les femmes enceintes qui ont été guéries d’Ebola sont suivies pendant les consultations prénatales et même l’accouchement. La plupart de ces femmes ont mené leur grossesse à terme et les enfants se portent très bien. Nous faisons des prélèvements à chaque accouchement sur les bébés et leur mère et jusqu’à présent, nous n’avons pas constaté de transmission du virus de la mère à l’enfant.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans le suivi des guéris et comment y faites-vous face ?
Au-delà de 18 mois, un guéri n’est plus suivi dans le cadre du programme, ce qui pose certaines difficultés car on se rend compte que, même des années après, le virus peut se remettre à circuler dans l’organisme des guéris. Il s’agit de personnes présentant des symptômes souvent méningés dont les tests sanguins ou du liquide céphalo-rachidien sont positifs à Ebola, alors qu’ils étaient précédemment guéris de la maladie à virus Ebola. Ce phénomène peut se produire des mois ou des années plus tard. C’est pourquoi nous voulons intensifier la recherche pour comprendre ce phénomène, quels sont les facteurs de rechute et comment les anticiper pour réduire les risques en proposant des actions adéquates de santé publique.
Les études ont en effet montré que les survivants peuvent converser le virus dans leur organisme pendant de longues périodes. Dans ce contexte, quelle est l’importance de la surveillance pour détecter une éventuelle résurgence ?
D’abord, il est important de ne pas alimenter de stigmatisation à l’égard des guéris. La proportion des guéris chez qui le virus persiste est infime et toutes les persistances du virus ne sont pas à l’origine de résurgences. Par exemple, sur les 1269 guéris suivis, seulement deux continuent à être testés positif au virus.
Donc, suivre les guéris permet de détecter les signes avant-coureur d’une rechute et d’adopter les bonnes attitudes. Par ailleurs, grâce au suivi biologique et à la promotion de pratiques sexuelles à moindre risque, comme l’abstinence ou l’utilisation des préservatifs, nous n’avons pas observé de transmission par voie sexuelle.
Nous suggérons donc de renforcer les systèmes de surveillance et le respect des mesures et pratiques de prévention et de contrôle des infections. Depuis 2020, nous avons formé les acteurs de la surveillance à tous les niveaux – provincial, zones de santé, aires de santé –, et plus de 18000 relais communautaires. Nous avons aussi mis en place des équipes d’intervention rapides dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri.
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